Gaujac (47)

            L'automne et son costume jaune lâchent du terrain. L'opulente chevelure des arbres perd de sa texture. Le cycle inaltérable des saisons nous rappelle l'éphémérité de toutes choses. Mère Nature reprend son droit légitime. Général Frimas en profite pour étendre son emprise et, en conquérant, installe ses quartiers d'hiver avec des intentions durables. Ce matin le paysage a quelque chose de nordique. Figée dans son écrin de brume, Dame Garonne serpente frileusement entre les côteaux de la rive droite et nous tient compagnie un bout de chemin. Nous cherchons désespérement, entre deux nappes de condensation, l'encouragement d'un rayon de soleil pas du tout décidé à paraître. La terre nourricière et le ciel en suspension sur nos têtes se fondent dans un amalgame de grisailles poisseuses. Le bitume, dans cet environnement figé, ressemble à un interminable lacet terne et noir. 
                Nous pénétrons dans Gaujac presque par hasard, tant le brouillard est épais, à couper au couteau. Le petit village, tétanisé par sa parure de givre, est refermé sur lui-même et a le plus grand mal à se défaire de sa torpeur cristalline. La matinée s'égrène nonchalemment, monotone et monochrome. Il faudra attendre l'après-agapes pour deviner le bout du nez des premiers visiteurs, presque timides et carrément frileux, engoncés dans leurs pelisses de circonstances. La campagne profonde, malgré l'énorme travail des bénévoles, a du mal à s'adapter au rythme trépident des faiseurs de mots. Ici, dans la ruralité encore perceptible, la vie, quelle qu'elle soit, obéit aux règles incontournables de la nature et tourne au ralenti.
           
À l'heure des séparations chacun promet de se retrouver très bientôt. Entre deux rencontres les auteurs partagent leurs expériences et échangent des conseils toujours utiles aux uns et aux autres, à travers les réseaux sociaux. Une façon comme une autre de rester en contact et de prolonger l'instant présent. Les amitiés s'affinent au fil du temps. Une véritable fraternité de plume lie les plus volontaires. Un fluide transiste, riche, chaud, émotionnel. Le monde des mots reste magique quand chacun trouve sa place dans le respect de l'autre. 
                  Gaujac ne sera pas sortie de sa léthargie frileuse, même pas pour Mamie Sosso, active artisane des forces vives du pays et du monde associatif qui, pour l'occasion et pour ses mérites humains, a été intronisée dans la très mystérieuse et convoitée Confrérie des Pommes d'Amour. Nous repartons, toujours cernés par une nébuleuse présence, et néanmoins rassasiés par de belles rencontres et toujours émerveillés des talents qui sommeillent en chacun de nous.

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