Entre nous...

 

Bonjour à toutes et à tous,
 

Il fallait une rubrique pour partager et échanger. La voici. Bien entendu, celà touche à tout ce qui de près ou de loin concerne la littérature, l'envie d'écrire, le besoin de s'extérioriser. L'écriture est une bonne thérapie, un bon remède à certains maux. Je la conseille, sans modération. Je ne sais pas trop comment qualifier ce qui va suivre. Articles, réflexions, délires, nullités... Je vous laisse libre de votre choix.
Plusieurs genres risquent de se côtoyer (j'aime bien la poésie aussi). Rien n'est figé. Cela dépendra de mon inspiration, de mon humeur, peut-être des évènements et de l'actualité qui bouleversent notre quotidien. Je dépasse certainement le cadre étroit que je me suis fixé. Mais, bien que souvent silencieux, je crois être un homme engagé. L'écriture est aussi un moyen de combattre des injustices et des inégalités qu'il ne faut pas hésiter à montrer du doigt. Il y a des valeurs comme la Laïcité, la Démocratie, l'échange des idées, la Solidarité,  qu'il faut défendre et promouvoir. Dans tous les cas, elles sont miennes. Je ne vous demande pas d'être indulgents, seulement tolérants, si quelque chose vous choque ou vous déplait. Car c'est aussi votre droit, et je le respecte.
Vous pouvez réagir à mes propos, laissez vos propres impressions, vos commentaires, que je n'hésiterai pas à publier avec votre consentement, dans l'anonymat le plus complet si vous le désirez. J'aimerai que cette rubrique soit vivante. Pour cela, contactez-moi dans le menu approprié.
Voilà, je vais commencer avec un premier texte que j'ai intitulé : Ecrire. Je vous souhaite une bonne lecture.

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ÉCRIRE
 

Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre… L'Homme, lui, imparfaite et pâle copie de la divinité, à moins que ce ne soit le contraire, s'est contenté d'inventer le papier et, dans le prolongement de cette découverte essentielle, l'inévitable angoisse de la page blanche pour celui qui tente l'Aventure.
Toute femme, tout homme, est un écrivain en puissance, un auteur qui s'ignore. Le saviez-vous ? Le soupçonniez-vous un seul instant ? Tout le monde peut écrire, tout le monde écrit. Il faut s'en donner la peine, trouver un style propre, se différencier de l'autre, éviter le plagiat. Nous avons dépassé l'époque du rigorisme intransigeant où le classicisme académique permettait aux seuls oisifs fortunés d'entrer dans le Walhalla des poètes perdus.
Dans l'imaginaire, Écrire reste un aboutissement réservé à quelques privilégiés. C'est un tort. Bien qu'ils soient rares à vivre de leur plume, nombreux sont ceux issus de foyers modestes. Ils ont acquis le droit au respect, à la puissance de leur pensée, à la rigueur de leur travail, au sacrifice d'un mode de vie. Car écrire c'est aussi accepter la solitude qu'impose ce genre d'exercice. Il faut en être conscient.
L'accès à l'instruction, aux universités et aux grandes écoles, a démocratisé l'Écriture, permis l'émancipation du langage, favorisé l'invention d'une écriture populaire moins contraignante dans sa forme expressive et érudite. L'écriture littéraire, bien que soumise à des normes basiques : orthographe, grammaire ou rhétorique, autorise aujourd'hui quelques petits écarts qui, un siècle auparavant auraient fait crier au loup. La syntaxe "personnalisée" apporte un charme, un parfum d'exotisme qui, ma foi, donnent une originalité sulfureuse à un écrit. Chacun peut trouver son style, une façon châtiée d'exprimer ses sentiments et de vivre ses émotions. Et n'entendez pas par châtier l'action de parler mal ou d'écrire vulgairement. Châtier, s'il vient du latin castigare ( punir ) a aussi pour racine castus : ( pur ) qui signifie, dans l'expression qui nous intéresse : langage châtié, la manière la plus correcte et la plus pure de s'exprimer dans son langage, dans son style, dans sa manière de penser.
Aujourd'hui, Écrire est à la portée de tous. Vivez l'expérience. Lisez un classique, un auteur plus ou moins reconnu, et laissez-vous ensuite tenter par un petit auteur inconnu, un débutant, peut-être un voisin, un ami qui taquine la muse sans prétention aucune. Vous risquez d'être surpris. L'ami, le voisin, l'inconnu(e), c'est vous, c'est moi. Bien sûr, il y a un terrain propice, des antécédents. On ne s'improvise pas du jour au lendemain romancier ou littérateur. Mais il y a à la base une envie ancrée, une volonté de continuité dans la pensée. Cela débute par un journal d'adolescence, des poèmes de jeunesse, des nouvelles maladroites qui se transforment en histoires plus ou moins longues.
Immanquablement, même après une longue période d'abstinence, le virus refait surface. Alors, arrive un moment où Écrire ne suffit plus. Il faut être lu. Le premier lecteur c'est celui qui écrit. Vient ensuite le cercle familial qui s'élargit à quelques bons amis. Des cobayes consentants, mais toujours assez objectifs, qui vous feront comprendre que, sans avoir un vrai talent, il y a quelque chose dans votre écriture qui séduit. Incluez, dans ces sujets d'expérimentation, un anonyme désigné par le hasard. S'il confirme, alors il faut peut-être faire quelque chose.
Voici une anecdote qui illustrera parfaitement mon propos : la part de rêve que génère l'Écriture. Je me souviens d'un reportage télévisé il y a bien longtemps. Le reporter, suite à un fait divers, interrogeait une pauvre bougresse qui en avait bavé tout au long de sa chienne de vie. Mauvais départ dans l'existence. Des parents violents ravagés par l'alcool, une éducation négligée, pour ne pas dire inexistante, aucune culture. Elle avait touché le fond et sombré dans cet état de dépendance des paradis artificiels d'où on a du mal à s'extirper seule. Sans repères, meurtrie autant dans la chair qu'au plus profond de l'âme, elle se reconstruisait lentement, péniblement, douloureusement, avec le sincère regret d'avoir loupé quelque chose d'important dans sa vie. Elle voulait réparer l'irréparable, désirait retourner à l'école (ah ! si j'avais su, disait-elle), réapprendre les bases, se donner une nouvelle chance. Le journaliste lui demanda alors quel souhait par-dessus tout aimerait-elle réaliser ? Elle lança tout de go, sans réfléchir : « Écrire un livre. J'aimerais être écrivaine ». Cette femme était sincère. Je ne sais pas si elle a réalisé son rêve, mais ses yeux brillaient d'un tel éclat pendant qu'elle parlait que je ne peux que lui souhaiter de l'avoir réalisé. Elle était émouvante dans la nudité de ses sentiments et la simplicité de ses émotions.


Écrire, écrire, écrire… 

Comme si la réussite d'une vie ne dépendait que de ce vecteur artificiel. Pour d'autres, comme Jules Renard, « Écrire c'est une façon de parler sans être interrompu ». C'est aussi choisir de ne pas parler ou de hurler en silence, se confier, dessiner ou peindre des paysages, des personnages, des situations que la parole a du mal à détailler. L'Écriture est un formidable outil. Elle propose une palette infinie de couleurs, de sensations et d'émotions à partager. Certains préfèrent écrire pour eux. C'est dommage. Il y a parfois dans cette abnégation du soi, bien des talents qui nous échappent, bien de belles choses dont nous n'aurons jamais connaissance. Mais libre à chacun de disposer de sa passion et de savoir dans quel but il écrit. Quoi qu'il en soit, l'Écriture est une thérapie.
Une grande Dame, Marguerite Duras a dit : « Écrire ce n'est pas raconter une histoire, c'est raconter l'absence d'une histoire ». Elle s'obstinait aussi à écrire par vents et marées parce qu'elle croyait que, par-delà les mots, l'écrivain pouvait atteindre une autre réalité que de transmettre un message intellectuel. Elle mettait l'écriture à portée de tous et démontrait également qu'être une femme n'était pas un obstacle majeur à condition de se jeter avec force et volonté dans cette joute des mots, dans ces magnifiques tirades verbales, sublimes comme des tragédies antiques qui donnent du piment à la vie et apportent une part de rêve dans la conscience collective…et individuelle.
Dans un autre registre, un autre auteur que j'aime particulièrement, Hemingway (Le vieil homme et la mer, Pour qui sonne le glas), faisait dire à un de ses héros, dans "Les vertes collines d'Afrique", qu'écrire pouvait mener dans une quatrième, voire une cinquième dimension. Là encore, la porte sur le rêve reste ouverte. Car que va chercher l'auteur ? sinon la possibilité de vivre sans risque ce qu'il n'aurait jamais osé vivre dans la réalité. Bien que, soit-dit en passant, certains, véritables baroudeurs, s'inspirent de leurs propres exploits. Il reste généralement dépendant de cette obsession : prendre tous les risques, vivre toutes les aventures, toutes les morts, sans jamais attraper autre chose qu'une migraine carabinée ou une conjonctivite aigüe pour être resté trop longtemps penché sur son manuscrit ou sur l'écran de son ordinateur. Les mots, qu'il manie avec plus ou moins d'habileté, permettent tous les débordements possibles et inimaginables. Il passe allègrement de la peau d'un assassin à celle d'un séducteur. Il est bagarreur, pervers, charmeur, abject, détenteur d'une force virile hors norme. Il décide qui est lâche, goujat, ignoble ou simplement attachant. L'écrivain est dieu créateur, sculpteur de corps et fignoleur de caractères, maître des âmes, bâtisseur d'empires, destructeur de civilisations. Dans son cerveau tout tourbillonne, se croise, se mélange, bouillonne. Les idées fusent, les pensées transitent à la vitesse de la lumière comme sur une autoroute électronique où tous les voyants clignotent en même temps. Il a toujours sur lui, ou à portée de main, un petit calepin et un Bic à l'infâme capuchon mâchonné où il note tout ce qui lui passe par la tête : un mot entendu dans une conversation, une expression adroitement glissée dans un discours, une curiosité recueillie sur le zinc d'un comptoir ou l'arrière salle d'une gargote douteuse. C'est un magma vibratoire qu'il lui faut décrypter continuellement, le plus précisément possible pour que l'écriture soit fluide et concise quand, en fin de voyage elle coulera de sa plume tremblante d'émotion. Parfois, mais on rentre là dans le vice, il bouscule sa compagne en abandonnant la couche douillette quand un éclair dans la nuit déchire son sommeil. Enfin! À 3 plombes du mat, quand tous les gens intègres taquinent Morphée, que les matous râlent sur la gouttière ou que l'honnête prolo attend avec impatience l'heure fatidique pour rejoindre son dodo, lui, après une traque obstinée, trouve le mot juste qui depuis quelques jours le perturbe et qui va parfaitement définir, il n'en démordra pas, la couleur ou la forme d'un nuage, un bruit imperceptible entre les feuilles d'un arbre, un trait de caractère d'un sombre personnage qui n'a qu'un intérêt limité dans le récit mais qu'il fallait absolument signaler pour retrouver un sommeil équilibré et apaisé.  
Écrire tient du fantasme et reste un fantasme. Pour celui qui se donne les moyens de le réaliser, c'est établir une connexion entre le soi profond, insoupçonné et secret, et l'être physique et conscient qui, dans cet état de grâce, se trouve pourvu d'un pouvoir presque absolu. Il modifie les mots, les triture, les rogne, les mélange, parfois les invente, les associe, les forge, les force, les oblige à des partouzes verbales, à des accouplements immondes et contre nature. Bref, une véritable pornographie de chiures de mouches qui se chevauchent, s'emboîtent, se pénètrent allègrement dans la plus totale impunité. Drôles de mœurs en vérité. Pouah!!! Dégoûtant.
De manière plus personnelle et poétique, je dirai que mon rapport avec les mots tient de la relation érotico-mystico-amoureuse. C'est assurément une forme de spiritualité dévoyée, où se pratique un langage assez proche de celui de la Haute-Couture. Je vêts et déshabille les mots sans le souci d'accomplir une mauvaise action. Je les caresse avec volupté au gré de mes envies et des humeurs du moment, mais toujours guidé par une pudique passion qui ronge l'âme parce qu'il me faut trouver la juste définition, faire ressentir la juste émotion, le véritable sentiment qui tourmente l'équilibre serein d'une phrase.
C'est une très belle aventure. Vous laisserez-vous tenter à votre tour ? Je pense n'avoir rien oublié. C'est le moment que je choisis pour m'éclipser. Ce n'est plus de mon ressort. C'est entre vous et vous. Allez courage…vous y êtes presque.

PS : vous ne savez pas comment démarrer ? Faites classique : « Il était une fois »…

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Auto-portrait
mis en ligne le 17/11/2012


J’ai souvent le regard absent, plongé dans de profonds silences.
Pourtant dans ce brouillard où les mots restent informulés,
Où les ombres arrachées au passé se sont accumulées,
J'y puise le sel de ma vie avec une certaine déférence.
 
Je creuse le ciel à la recherche d’une indicible respiration.
Je rêve d’une urgente révolte dans la fronde de mes paupières,
Et dans cette part de moi-même ensevelie au cœur de la matière,
Je fomente à mes heures perdues de vaines conspirations.
        
J’habite l’auberge du silence, misérable apôtre.
Conscient que cette poussière qui s’accumule sur moi,
Comme un lourd manteau posé sur mon émoi
Est le voile qui me dérobe au regard des autres.

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Derrière la porte bleue
mis en ligne le 17/11/2012

Contre la porte bute la parole du vent.
Mélopée moribonde aux tonalités lugubres
Qui sous l’angle vif des toitures élucubre,
Et force le bois à gémir bien souvent.
 
La complainte du monde des apparences
Souffle dans la rue comme un feu de forge.
Des éclats de voix brisées sortent des gorges,
Crachant leur mépris sur les âmes en errance.
 
Contre la porte s’arrête l’esprit du vent,
Laissant rumeurs croquer le marmot.
Fuyant marauds et mauvais mots,
Le jour ferme ses portes aux tourments.
 
Du ciel tombe un voile de larmes
Sur le grain rugueux de la pierre.
La ville en pyjama s’abîme en prières
Dans la solitude des tempêtes et la peur des armes.
 
Derrière la porte tremble la lumière
Qui étire l’ombre des corps qui sommeillent.
Dans la chambre les amants veillent,
Laissant dans l’extase closes leurs paupières.
 
De l’appel du sublime à la chair qui transporte,
Le soupir des amants réjouit l’âme des justes.
Dans la lueur blafarde du jour qui s’incruste,
La belle, épuisée, sur l’amant referme la porte.

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Le chemin
mis en ligne le 24/11/2012

Je veux, là, sans attendre, maintenant, au milieu des soleils, des éclats de diamants. Seulement bercés par la lueur argentine de la lune et le murmure des mots que la nuit effiloche, mollement, comme une brume platinée, délicate dentelle pailletée.
À l'abri de rien, voile parfait des corps nus, goûtons les plaisirs de la vie. Éphémères étreintes cosmiques, furtives sensations d'immortalité. Mordons ces fruits interdits, trop longtemps défendus, qui rendent les corps endormis esclaves de la Lumière.
Tu es en moi. Bientôt, tu verras, je rentrerai en toi, comme un rayon ardent profane le sanctuaire sacré.

Je bois à ta source, eau claire de la Connaissance qui dévoile dans un mirage d'écume ambrée jamais apaisé, la porte entrouverte d'un paradis enivrant qu'il faut pénétrer pour ne pas mourir.
Fragrance entêtante de ta toison humide qui plonge ma chair  tourmentée dans le feu du désir, et rend l'esprit libre comme la semence du péché consommé, jamais plus contenue.

Sous la voûte étoilée, alcôve céleste, dorment les amants. Poussières d'étoiles, pierres d'éternités, soupirs alanguis que le vent disperse dans le néant.  

 

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À l'origine, le texte qui suit était destiné à devenir un "conte" pour enfants, dans un cadre associatif. Peut-être pour jeunes pré-ados entre 11 et 12 ans, suivant le contenu et les élucubrations que je me proposais d'y glisser. Ma décision n'était pas encore arrêtée. Les circonstances en ont voulu autrement. Rien ne se perd. J'ai récupéré cet écrit en employant un langage plus approprié, dans l'intention d'en faire une fable "philosophique" pour un public plus adapté. Finalement, mis à part la conclusion faussement moralisatrice, je pense que ce qui la précède peut aussi intéresser à titre de curiosité littéraire ou de divertissement, un large éventail de lecteurs. Je me base avec un certain humour sur mes souvenirs d'enfance pour mettre en lumière des faits qui aujourd'hui interpellent et qui n'ont plus rien à voir avec nos errements de terreurs en culottes courtes. Le fait s'est peut-être produit incidemment, sans réelle envie que cela arrive. Pourtant, nous sommes parvenus à un point où les gens s'interrogent sur les causes d'un tel plantage et se renvoient gentiment la balle quant au degré des culpabilités. Les récents évènements montrent qu'il y a dérapage. Je ne citerai aucun cas, aucune source, aucun lieu. Tout reste en pointillé. Mais les faits sont avérés et dûment médiatisés. Je pense que nous sommes tous assez matures pour deviner quelle idée se cache derrière mon intention et quel message sous-jacent elle véhicule. Je ne peux pas me permettre de juger, et je ne le veux pas. Seulement constater. En notre âme et conscience, méditons sur la rapide conclusion de cette historiette qui, malgré tout et sans prétention aucune, se veut ludique. Tout n'est pas noir. Tout n'est pas blanc. Que chacun interprète à sa façon.
Étant donné la longueur du texte, je me propose de le distiller par épisodes, à petites doses homéopathiques. Juste pour vous faire saliver d'envie. Un peu comme un journal d'adolescent boutonneux qui consigne dates, faits et gestes. Pendant quelques semaines, paraîtra donc la chanson de geste de l'épique épopée du truculent Salva, et des chevaliers du jus de pomme. Bonne lecture


 

Lundi 4 septembre 1967
 


J'étais un petit garçon dissipé.
À cette époque lointaine proche de la préhistoire, la terre subissait un véritable chaos. Les ordinateurs n'existaient pas, ou seulement dans la tête de leurs géniaux concepteurs. Les téléphones portables ne faisaient pas vibrer l'air paisible des salles de classe qui exhalaient des senteurs papetières, des odeurs de craie et d'encre. Les Mac Do et autres Quick burgers n'avaient pas encore séduit les papilles gustatives des générations infantiles. On nous gavait de brocolis, de blettes, d'autres bizarreries comme le navet bouilli, de produits frais et naturels. Les yaourts n'avaient qu'une saveur, nature, rarement parfumé à la vanille. On ne se levait pas encore pour Danette. L'avenir s'avérait plutôt sombre, pour ne pas dire angoissant. Comment croître, comment vivre dans ce monde ingrat où tout manquait ?, hormis les calottes et la marche à pied.
Comble de malheur, il faudrait encore attendre plusieurs décennies pour voir apparaître les premiers jeux vidéo. Ils n'avaient d'apparence que dans l'esprit vagabond de certaines grandes personnes, attardées dans un monde qui ne leur appartenait plus, et que nous nommions avec une crainte respectueuse, les adultes.
Dans cette catégorie humaine assez inquiétante se trouvaient tous ceux qui de près ou de loin avait quitté depuis belle lurette le monde soumis et incompris de l'enfance : aînés, parents, voisins, maîtres et maîtresses (c'étaient les noms que nous donnions à nos chers pédagogues. Remarquez bien que nous étions dans le cadre d'une relation maitre-esclave. Dans le monde occulte de la dépravation, je crois que cela s'appelait le sadomasochisme). Nous regardions cette faune étrange et remuante avec une certaine frayeur. Ils n'étaient pas des amis, pas totalement des étrangers. Seulement des personnes expérimentées, chargées de nous éduquer.
Leur façon de nous aimer passait par des codes déontologiques compliqués qui nous échappaient : politesse, morale, obéissance, honnêteté. Et gare si des rumeurs remontaient aux augustes oreilles parentales. Après les punitions à l'école, la répression se poursuivait à la maison. L'univers des grands restait insensible face à nos états d'âmes d'enfants esseulés. Il fallait se soumettre. Surtout ne pas se révolter. La vengeance pouvait être imprévisible et impitoyable.

 

Mardi 5 septembre 1967


 

En ces temps ténébreux, la télévision avait des formes bizarres et ne possédait que deux chaînes. Elle ressemblait à un gros cube de bois laqué, à l'intérieur duquel défilaient par saccades des images animées en noir et blanc qui nous fascinaient. Les paysages s'habillaient de toutes les nuances possibles et inimaginables de gris, le ciel n'était jamais bleu. Dans la grosse caisse qui trônait majestueusement dans un coin de la salle à manger, tout paraissait triste, les arbres, les fleurs, les hommes. Pourtant, que de bonheur de pouvoir contempler à la sauvette, la Piste aux Etoiles, le manège enchanté ou quelques spectacles féériques de variétés où scintillaient paillettes et starlettes.
Tous les foyers n'étaient pas équipés de cette boîte magique. Rares ceux d'entre-nous qui pouvaient crâner de posséder une telle richesse. Quand cela arrivait, il fallait ménager les susceptibilités, accepter les caractères capricieux, inventer des trésors d'ingéniosité pour capter et préserver à n'importe quel prix l'amitié du petit camarade qui, le jeudi en fin d'après-midi, nous ouvrait toutes grandes les portes du sanctuaire. Les temps étaient durs. À moins de s'entendre comme larrons en foire avec l'intéressé, il fallait parfois monnayer ce goût abusif du vice. Cela pouvait passer par le sacrifice de quelques sublimes agates araignées que l'on avait eu un mal de chien à se procurer ou des billes en acier que nos petits doigts maladroits avaient extrait avec difficulté des roulements chipés dans les ateliers paternels. Un ignoble et dangereux trafic s'engageait dans l'espoir de sceller de fragiles liens fraternels. Liens que nous devions pourtant conclure pour ne pas se retrouver sur la touche, tout éphémères fussent-ils.
Le marchandage fonctionnait sous la contrainte du don plus ou moins volontaire. L'abnégation était de mise. Des trésors d'enfants passaient odieusement de mains en mains. Les larmes aux yeux, Pierrot, dit "Trois Pattes", depuis qu'il s'était cassé une guibole en parodiant Tarzan, se séparait de sa voiture Majorette préférée. Jacquot, dit "Coco" à cause de sa mauvaise habitude de tout répéter, la rage au ventre, se laissait dépouiller de ses trois derniers "Gloups", de petits êtres bizarres et sympathiques en plastique souple, offerts par la station d'essence du village en échange d'un plein. Mes plus beaux soldats de plomb changeaient de camp au moment le plus décisif de la bataille. Mais l'enjeu en valait bien la chandelle…
Après avoir pieusement déposé nos chaussures sur le palier ou le seuil de la maison qui nous recevait, nous pénétrions dans un silence quasi religieux, et casquettes basses, dans le Saint des Saints. Commençait alors un mystérieux rituel. Rassurée par la propreté de nos menottes, la maitresse de maison y déposait trois ou quatre "Petit Beurre Lu". De petits gâteaux secs rectangulaires, bordés de dentelles appétissantes. Habituellement un verre de menthe à l'eau, de limonade pour une occasion particulière, faisait glisser ce petit en-cas qui s'émiettait aux premiers coups de dents dans nos petits estomacs blindés. Nous engloutissions comme des morts de faim, tout ce qui passait à portée. Nous étions faciles à empoisonner. Tout faisait ventre. Pour mériter ces largesses, il était absolument nécessaire, sous peine d'être taxé de mal élevé, de lâcher un mot de passe que les adultes s'évertuaient depuis que nous avions été initiés aux secrets du langage, à faire rentrer dans nos chères petites têtes blondes et brunes. Parfois rousses aussi. Comme Riton, que nous appelions affectueusement, "Poil de Carotte". Du même surnom que le petit héros mal-aimé du roman de Jules Renard. Notre "rouquin", lui, était plus chanceux. Tout le monde l'appréciait.
- Merci, madame !
Ce sésame donnait, de plus, droit à un lumineux sourire de la maman du petit copain qui nous avait mis sur la paille. Nous étions tous un petit peu amoureux d'elle. Ce n'était pas plus compliqué que cela et rendait nos mamans fières de leur rejeton quand, le lendemain matin, à l'épicerie du quartier, les papotages maternels animaient fébrilement les files d'attente devant la grosse balance blanche.
Nous attendions avec impatience le jeudi après-midi. Avec le dimanche, jour du Seigneur où il était interdit de travailler, c'était le seul jour de la semaine où nous n'avions pas école. À l'heure propice, la marmaille désertait le trottoir. La rue devenait étrangement calme. Les despérados aspiraient à un repos bien mérité. Pendant une bonne demi-heure, nos yeux abasourdis scrutaient le petit écran avec un délectable bonheur. Mickey et sa bande nous servaient de mise en bouche. Venait ensuite à notre grande joie, le plat de résistance : Zorro, Thierry la Fronde, Ivanhoé, le chevalier sans peur et sans reproche, Bayard. Nos esprits s'égaraient au rythme des cavalcades endiablées des héros que nous nous empressions d'imiter une fois la séance terminée. C'était la seule entorse faite au règlement familial. Le seul instant de la semaine où nous échappions au contrôle des grandes personnes, en ce qui concernait l'usage de l'audiovisuel. C'était notre moment à nous, uniquement à nous.

 

Mercredi 6 septembre 1967


Être privé de télé était la marque suprême de l'infamie. Les nombreuses fois que cela m'arrivait, je traînais cette ignoble meurtrissure le reste de la semaine, en me jurant que l'on ne m'y reprendrait pas. Mais c'était plus fort que moi, je péchais par orgueil et je retombais dans l'erreur à la première occasion. La tentation d'enfreindre les règles du monde adulte était trop forte. J'y cédais avec une facilité déconcertante pour un non initié. Auprès des rebelles irrécupérables que je côtoyais, je faisais figure de pestiféré. On me montrait du doigt, on médisait sur moi. En des époques plus archaïques, on m'aurait certainement lapidé, voire crucifié. Le rôle de victime expiatoire ou de bouc émissaire me collait assez bien à la peau. Le reste du temps, les programmes étaient réservés aux adultes. De toute manière, il n'y avait pas moyen d'échapper à la censure des instances supérieures. L'ordre, la discipline rigoureuse, l'obéissance absolue, tous ces maux qui nous écorchaient les tympans étaient savamment exploités et exigés. Le soir, à huit heures et demie maximum, c'était dodo obligatoire sous peine de représailles.
Mis à part les corvées, nos devoirs et les punitions pour motifs divers et variés, rien ne nous retenait dans la maison ou l'appartement. Nous avions peu de jouets. Le salaire modeste de nos parents ne le permettait pas. Nous nous contentions de peu, pour ne pas dire de rien. Alors nous poussions les murs, élargissions les horizons, respirions les grands espaces pour assouvir notre soif de liberté. Les prés prenaient l'ampleur de sanglants champs de batailles où s'affrontaient purs natifs et mercenaires sans foi ni loi. Espingoins, Ritals, Portos et fils de Harkis s'étripaient dans une joyeuse pagaille. Dans les deux camps, des descendants des glorieux Slaves, que l'on nommait communément Polacks par manque de culture historique, se distinguaient particulièrement par leur férocité. Les caves infestées de spectres hideux et informes devenaient des grottes obscures et profondes qu'il fallait traverser seul pour prouver son courage. Dans ces antres hantés par les ténèbres se déroulaient des initiations quelques peu originales. Nous y avons découvert nos premiers émois sentimentaux et échangé nos premiers baisers avec nos éternelles rivales, les filles. Généralement, quand nous n'avions pas de petits frères sous la main, et que nos âmes inflexibles ne se laissaient pas prendre aux pièges de la chair, perversement tendus par la gent féminine, les nanas servaient de souffre-douleur. Elles étaient bien plus prisées dans ce registre là.

 

Jeudi 7 septembre 1967


 

Je traînais dans mon sillage un ramassis de spécimens dépenaillés que tentaient la quête des grands espaces et l'attrait du butin malhonnêtement acquis. Nous n'avions pas fière allure avec nos culottes courtes et bretelles, par tout temps. Je ne vous parle même pas de nos maillots de corps, genre Marcel (vous voyez à quoi je fais allusion ?). Mes petits compagnons ne se seraient pas fait tuer pour moi. Certainement m'auraient-ils abandonné au premier coup de canon. Nous étions courageux, mais delà à être téméraire il y avait un pas que nous n'avions pas envie de franchir. Néanmoins, une forte complicité nous unissait dans un même souci de partage et le désir de faire les 400 coups.
L'air était notre drogue et nous en abusions sans modération. La rue, les champs, les arbres, étaient nos domaines privés. Tout était prétexte à exploration, à découverte. Nos territoires étaient acquis à la sueur du front et du sang versé. Bien souvent ils s'enfonçaient dans les forêts avoisinantes. Nos loisirs étaient occupés à ferrailler avec les petits morveux des bâtiments mitoyens. Nos géomètres experts bornaient les espaces respectifs avec de vagues points de repères qui bougeaient tout le temps, suivant nos envies d'horizons invisibles. Nos rêves de conquêtes n'avaient aucune limite. La traîtrise était utilisée avec subtilité comme moyen de ruse pour vaincre l'ennemi héréditaire. Pourtant aucun d'entre nous n'avait encore lu le Prince, de Machiavel, ou l'Art de la Guerre, de Sun-Tzu. Mais nous possédions dans nos gènes une ancestrale culture du mal, des envies millénaires d'en découdre, de semer la destruction, de mettre le monde à feu et à sang.
Avec rien nous bâtissions des empires. Un bout de carton, de la ficelle, quelques piquets, trois pointes, représentaient à nos yeux de véritables trésors, une aubaine inespérée. Le fameux système D primait pour construire ou consolider des cabanes, perchées dans nos nids d'aigle. Un vieux balai pour les plus misérables, une trottinette rouillée pour les plus débrouillards, un vélo pour les estafettes qui faisaient la navette entre les divers états majors, simulaient de fringants et fidèles destriers que nous affublions de noms fabuleux : Pégase, Tornado, Bucéphale…
Mes yeux se mouillent d'émotions en me remémorant ces temps de trouble et de perdition à jamais évanouis. La misère était totale, des destins se jouaient sur un simple coup de tête. Nos jeux bruyants irritaient les anciens, dérangeaient quelques voisins acariâtres en quête de siestes réparatrices. Nous nous moquions gentiment d'eux. Parfois quand l'un d'entre eux devenait trop insistant pour nos yeux de gosses, nous nous vengions à notre manière, sans aucune agressivité, dans le respect des âges. Nous étions de terribles gredins. Nous chipions le Sud Ouest et le courrier dans les boîtes aux lettres concernées et les cachions dans les caves. Parfois nous les jetions à la benne à ordures.
Combien de vénérables vieillards et de moroses voisins ont lu les nouvelles avec quelques jours de retard ? Ou pas du tout. Beaucoup d'entre eux nous prédisaient de sombres destinées. La solitude des froids dortoirs de pension nous guettaient. Les menaces pleuvaient. Dans un avenir plus lointain, peut-être la prison pour les plus impliqués dans les mauvaises actions. L'ombre sinistre des potences assombrissait nos imaginations fertiles. Nous ne comprenions rien à ce charabia d'adultes. D'ailleurs, comme le chevalier Bayard, nous n'avions pas peur de grand-chose. Sauf…du martinet. Quand maman nous hélait pour faire les devoirs, ou qu'il était temps de rejoindre nos pénates, les occasions foisonnaient. Plus nous faisions la sourde oreille, plus les coups (de martinet) pleuvaient drus, plus la flagellation se prolongeait. Certains en ont gardé des séquelles irréversibles. Il me semble que "Trois-Pattes" a viré dans le sadomaso. Il paraitrait qu'il aime bien se faire fouetter par sa femme. Cela lui rappelle ses souvenirs d'enfance. Mais ce ne sont que des rumeurs infondées. Mieux vaut ne pas insister. Il fallait voir cette lueur immorale qui brillait dans les petits yeux porcins de nos bourreaux. Malgré tous ces mauvais traitements, nous avons survécu. Le monde continuait de tourner. Avec notre assentiment ou pas.
Nous rentrions le soir, épuisés par nos courses, enivrés par nos conquêtes. Nos narines dilatées étaient remplies d'odeurs telluriques, de senteurs d'herbe sèche et de fragrances de fleurs sauvages. Nos corps ruisselaient d'une saine transpiration. La cérémonie du bain prenait le relais. Nous subissions avec une hargne farouche cet instrument de torture qu'était le gant de crin, et la nauséabonde émanation du savon de Marseille. Tant que nos peaux n'étaient pas récurées jusqu'au sang, le tourment durait. Passée l'épreuve de l'eau, nous devenions de simples petits garçons, propres comme des sous neufs. Nous regardions avec tristesse nos dépouilles de héros couler avec l'eau sale du bain. Seules restaient les écorchures aux genoux, les plaies aux coudes et les égratignures des ronces sur les mollets. Preuves évidentes que nos exploits de chevaliers indomptables n'étaient pas du domaine onirique.
Nous vivions nos aventures avec exaltation. Les rumeurs de nos exploits emplissaient les cours de récréation et perduraient toute la semaine, comme le prolongement naturel de nos exactions de gamins. Des légendes se bâtissaient à l'évocation de certains faits d'armes. Des années plus tard, alors que l'adolescence nous avait engourdi la pulpe qui nous servait de cervelle, nous en parlions encore.

 

Vendredi 8 septembre 1967


Un autre mot était particulièrement apprécié de nos tortionnaires. Il permettait une approche plus ou moins sympathique de nos aînés. La communication s'avérait de suite plus facile, disons moins compliquée. C'était le fameux  "bonjour" qu'il était obligatoire de lâcher chaque fois que l'on croisait quelqu'un de connu (et de pas connu aussi d'ailleurs), ou quand nous pénétrions dans un endroit nouveau. Dans ce cas précis, nous devions aussi nous fendre d'un mielleux "au revoir" en sortant, pour être certain de ne pas être regardé de travers à la prochaine expédition.
Le chemin qui nous menait à l'école était parsemé d'embuches. L'une d'entre-elles était le cartable. Dans celui-ci s'enfouissaient pêle-mêle, livres, cahiers, sifflets de toutes sortes, boîtes à bons-points et images, goûter, toupies, billes. De même, d'autres objets utiles qui favorisaient le troc pendant les intervalles de pause, comme les grenouilles et les vers de terre. Certains amateurs éclairés en étaient friands pour les parties de pêche du jeudi. Un bon loustic bien grassouillet et visqueux se troquait aisément contre quatre carrés de chocolat au lait ou une agathe dernier modèle. Nous étions spécialisés dans le trafic d'armes lourdes en tous genres. Tout un arsenal transitait à la barbe et aux nez des maîtres et maîtresses, et alimentait les guérilleros en rupture de banc avec la société. Frondes, projectiles, sarbacanes, opinels à la lame émoussée trouvaient cachette dans les plis secrets de nos cartables. Mais le plus dangereux résidait tout de même dans le transport d'armes chimiques. Une manipulation malheureuse, une inattention, un "poteau" malencontreusement poussé sur le cartable, et c'était la catastrophe. L'éclatement accidentel de la boule puante hantait l'esprit fiévreux des pourvoyeurs. Le cartable était irrémédiablement perdu, le fournisseur cruellement démasqué et ignominieusement mis au pilori pendant quelques dizaines de récréations.
Les cartables de mauvaise qualité se déformaient rapidement sous la contrainte des divers trafics et mauvais traitements. Ils prenaient du ventre ou du gîte, voûtaient nos frêles épaules ou distendaient nos petits bras potelés. Nous souffrions en silence, sans mot dire, sans desserrer les lèvres, éprouvant dans ce rude test imposé par l'acquisition du savoir, comme une obstination farouche à démontrer à nos aînés de quel bois d'arbre nous étions faits. C'était de la provocation.
Pendant la classe, l'école était plongée dans un silence éprouvant, presque malsain. Le seul bruit qui nous parvenait du monde extérieur, était le babil des oiseaux. Nos oreilles exercées de prédateurs et de dénicheurs de nids reconnaissaient aisément le chant du chardonneret, celui plus doux de la mésange, le pépiement du tarin, ou le jasement du merle. Les heures passées, embusqués, à l'affût de nos matoles, nous avaient familiarisé avec l'ornithologie. Les plus passionnés qui, les petits matins frileux d'hiver, portaient fièrement les besaces des papas chasseurs, entendaient arriver les vols de grives alors que la nuit masquait encore le jour. Parfois, le vrombissement d'une mouche rompait la monotonie ambiante. Quelques têtes vaguement intéressées se dressaient dans l'espoir de repérer la fauteuse de trouble. La réprimande tombait aussitôt. Les instits étaient aux aguets, tendus comme des élastiques de frondes. Nous les croyions assoupis. Que nenni ! Le blâme servait d'avertissement général. Nous savions que le prochain étourdi irait directement embellir le coin nord de la salle de classe, sous les quolibets des petits copains.   
Quelquefois, alors que le temps semblait suspendu, du fin fond d'une classe poussiéreuse montait une morne litanie répétitive. Une fois deux, deux, deux fois deux, quatre… La complainte syncopée de la table de multiplication frappait d'horreur nos chastes oreilles. Les voix suppliciées de nos petits camarades des classes voisines n'auguraient rien de bon. Nous nous regardions du coin de l'œil, tremblant à l'idée que notre maître ne nous fasse subir le même châtiment. Nous baissions nos têtes autant qu'il était possible pour nous concentrer sur nos pages d'écriture, et surtout, pour exorciser le mauvais sort qui planait sur nos petites têtes innocentes.
Cette époque semble tellement lointaine. À des années lumière. Certains d'entre-nous imaginaient mal survivre à de tels traumatismes infantiles. Le monde des grands paraissait inaccessible et barbare, repoussant. Nous avions du mal à comprendre que notre avenir dépendait de nos aptitudes à accepter toutes ces choses qui semblaient venir d'une autre planète. C'est avec émotion que je replonge dans la nostalgie des souvenirs. Chaque période génère son lot d'incertitudes, de surprises et d'attentes, de frayeurs justifiées ou infondées. La mienne, la vôtre, nous a certainement apporté des réflexes de vie, des valeurs, que nous avons jugé bon de transmettre pour que la tradition perdure. Les temps changent. À qui la faute ? Le proverbe précise : « On récolte ce que l'on sème ». Si faute il y a, qui porte la responsabilité de cette regrettable dérive ? Faut-il déclencher une chasse aux sorcières, ou ne vaut-il pas mieux se dire que nous sommes tous un peu coupables par notre passivité, par un manque d'engagement citoyen ou peut-être parental ? J'ai toujours cru au genre humain. L'homme a les capacités de se donner les moyens. Il porte en lui des richesses insoupçonnées, une force d'adaptation et les qualités morales pour rebondir et se tirer des mauvais pas dans lesquels il se fourre. Faisons-lui confiance, et en attendant un retour aux valeurs primordiales, revivons ces temps bénis avec émotion.

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Chant d'honneur

mis en ligne le 30/11/2012

                           Sur la tête un képi,
                           Sur les yeux la visière
                           Sur les joues jugulaire,
                   Sur les siennes quelques larmes,
                 Et tout autour le silence des armes.
                        Sur les manches des galons,
                      Sur les mains des gants blancs,
                         Sur les siennes des étoiles,
                             Sur la tombe une date,
                                                                Et tout autour le champ d'honneur.

                                                                                                                                       In memoriam...

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Histoire de mots
mis en ligne le 30/11/2012

 

Des mots pour dire, d'autres pour faire.
Des mots pour rire qui vont te plaire.
Des mots sans âme qu'il vaut mieux taire,
Aux mots infâmes qui vont déplaire.

Des mots qui fâchent qu'il faut bien dire,                                  
Aux mots qui tranchent et nous chavirent.
Des mots raccords pour crises de larmes,
Aux maux des corps qui souvent désarment.

Des mots câlins pour te séduire,
Aux mots coquins pour un sourire.
Des mots posés souvent divins,
Aux mots osés, tellement humains.

Des mots balourds pour gens pénibles,
Aux mots plus lourds qui sont terribles.
Des mots lumières qui montent en prière,
Aux murs de pierre qui tombent en poussière.

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Reflets d'eau
mis en ligne le 09/12/2012

Sur la bourse endormies,
Trois Grâces alanguies
Veillent au repos
Des vieux entrepôts

Reposant sur le gré
Pour le ciel se mirer,
Miroir d'eau en bord d'eau
Étire son corps d'eau.

Sous la lune arrondie,
Quand Bordeaux se replie,
Les façades embellies,
Dans l'eau se déplient.

Flaque d'eau sur les quais
Qui frémit sous les pieds,
Bout d'ardoise asséchée
Que le vent a léché.

Miroir d'eau d'un jet d'eau
Ouvre l'esprit au beau,
Miroir d'eau porte en lui
Les rumeurs évanouies.

De ces mains enchaînées,
De ce noir du passé
Que le fleuve a porté,
Peu d'écho est resté.

Sur son lit de cristal
Où lumière s'étale,
Bordeaux dehors s'installe
Et de vin se régale.

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Puisqu'il est l'heure...
mis en ligne le 09/12/2012

 

Silence dans le sanctuaire,
Le moment est venu de se taire.
Ici point de fidèles en transe,
Juste des hommes qui pensent.
 
Dans la paix du sanctuaire,
Que nul ne s’avise de plaire.
Dans la pénombre du temple
Seul le travail se contemple.
 
Ici, ni chants ni prières.
Juste le silence des pierres,
Des hommes graves et durs,
Aux idées souvent pures.
 
Au cœur du sanctuaire,
Le Delta propose un repère.
Entre lune et soleil il s’affaire,
Et de la voûte étoilée nous éclaire.
 
Sur le pavé du sanctuaire,
Mieux ne pas commettre d’impair.
Qui s’égare sans connaissances
Pourrait s’y perdre avec aisance.
 
À l’orient du sanctuaire,
Trois marches mènent à la chaire.
Du haut du debbhir le gardien veille,
Et s’il le faut tire l’Épée du sommeil.
 
Au centre irradiant du sanctuaire,
Les hommes vaillants ont un repaire.
Autour du naos ils forment la chaîne
Et parlent aux étoiles lointaines.
 
Silence au plus profond du sanctuaire.
L’heure est venue de recevoir son salaire.
Ici, point de métaux en récompense,
Seulement la Lumière qui danse.




 





...et que nous avons l'âge.

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À la pointe du jour
mis en ligne le 24/12/2012

Dans la fraîcheur furtive de l’aube,
Quand les ombres de minuit se dérobent,
Belles de nuit, pressées par le baiser du jour,
Replient jupons et déposent leurs atours.
Sur la ligne d’horizon, quittant sa tanière,
Soleil timide pose un doigt de lumière
Sur les derniers lambeaux de brume.
Posé sur le réchaud, le café fume.
Glissant sur le paysage ondoyé,
L’ombre cuivrée de mille ailes déployées
Caresse la surface moirée
Des lagunes empourprées.
Le souffle mutin du vent matin,
Tisse une rumeur légère couleur satin,
Où flotte un parfum de fougère et de romarin,
Peut-être l’écho lointain d’un chant marin.
À l’assaut du rivage, avec pour seul costume
Le goût du sel et quelques éclats d’écume,
Les vagues roulent sur la grève déserte
Le fracas baladeur de leurs boucles vertes.
Le jour se lève sur les voiles baissées,
S’attarde un instant sur les draps froissés.
Mon regard balaye un bout de pont délavé,
Frôle à peine ta chevelure désentravée.
Dans ce refuge caché au fond de la crique,
Seulement bercé par le roulis aquatique,
Je te susurre des mots polissons,
Des mots douceurs en forme de calissons,
Des mots sucrés que je t’offre en moisson
Pour caresser ton âme et t'étourdir de frissons.
Dans la cabine flotte une odeur de café,
Comme un parfum de toi sur le lit défait.
De l'alcôve s'échappe un soupir de femme,
Le désir de ton corps qui m’enflamme. 
J’ouvre mes sens à tes envies retenues,
Et pour croquer ton corps qui quémande,
Pose mes lèvres gourmandes
Sur le mystère de tes seins nus.


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Le sentier oublié
mis en ligne le 03/01/2013 

               
                  Entre ronces et aubépines,                   
Pris partout par les épines,
Un petit chemin de terre
Se désolait de ne plus plaire.
 
Plus un pas sur le sentier
Pour cueillir sous l’églantier,
Un soupir de gourgandine,
Un envol de bécassines.
 
Le long du chemin abandonné
Où tant d’amants ont fredonné,
Mauvaises herbes boivent rosée
Entre mûres et rouges baies.
 
Sous les baliveaux moroses,
Evanoui le parfum des roses.
Sous les ramilles dépouillées.
Plus de marguerites à effeuiller.

       
      

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Murmure de feuilles
mis en ligne le 19/01/2013

 

Dans un chuchotement de cime d’arbre,
Un souffle de vent s’égare en vaines palabres.
Bruissements fragiles et plaintes craintives
Enflent la rumeur d’une ombre furtive.
 
Sous la cime de l’arbre, perdue dans le ramage,
L’histoire d’un homme cherche passage.                      
Musique en spirale entre les branches,
Noires qui s’étirent d’une voix blanche.
 
Sur la cime de l’arbre rôde un sillon argenté,
Une écharpe de brume par la nuit enfantée.
Le vent dans les branches se recueille
Et emporte avec lui le murmure des feuilles.


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Per tu ploro
mis en ligne le 22/02/2013

Avec une vénérable assurance,
L'ombre des grands arbres
Couvre de son voile d'ambre
Les images lointaines de mon enfance.
Des pans d'ombre, ruisselants de lumière,
Bercent mystérieusement ma mémoire,
Vestiges de la pensée, aux heures vespérales,
Éclaboussant de soleil la terre millénaire.

Des paysages colorés, balayés par l'air marin,
Remontent à la surface en un lent mouvement.
Ombres et lumières, fantômes parmi les vivants,
Se fondent dans une ritournelle d'alexandrins.
J'ai dans les yeux des ombres intenses,
Visages effacés de vieillesses souveraines,
Papiers glacés de profils porcelaines
Aux sourires éternels figés par l'absence.
 
J'ai dans la tête des voix vagabondes,
Tourbillons lointains de rumeurs océanes,
Qui glissent légères, sur un air de sardane*,
Et s'enroulent graciles, autour d'une ronde.
Sur ma bouche, le goût salé des baisers,
Que sur cette terre, enfant, je n'ai su déposer.
Sur mes lèvres, des mots secrets prêts à exploser,
Maux enfouis que rien jamais ne pourra apaiser.
 
J'ai dans l'ouïe, la plainte saccadée des coblas,
Le son strident du flaviol qui remue l'âme,
Et chavire le cœur dans un subtil mélodrame
D'accords cristallins qui s'envolent pour là-bas.
J'ai dans le nez des parfums de lavande,
Des fragrances de thym et de romarin
Que la tramontane traîne sur son galurin,
Tel le pèlerin sur l'autel des offrandes.
 
Au-delà des pentes arides de Montserrat,
Perdue entre Puigcerdá et Barcelone,
L'abbaye bénédictine, céleste pylône,
Regarde couler les eaux claires du LLobregat.
Sur les versants des montagnes catalanes,
Les pinèdes se dressent comme des nefs d'églises,
Et lancent leurs aiguilles en guise de balises,
Vers le ciel azuré où un silence apaisant plane.
 
Juchée sur les pierres sèches du San Jeroni,
La Moreneta*, venue de lointains firmaments,
Pose, à l'abri de son austère écrin roman,
Son doux regard protecteur sur le monde infini.
Tandis que le jour piétine à mâtines,
Le murmure des voix rauques
Se mêle au silence baroque
Pour sanctifier le jour qui trottine.

Porté par une douce ivresse,
Cherchant la mer qui dort en bas,
Je marche dans l'écho de mes pas,
Par les petits chemins de traverse.
L'écume, vers des horizons invisibles,
Trace des sillons d'envies levantines,
Au grès des mâts qui s'inclinent
Sur le spectacle aquatique du flot paisible.
 
Sur tes côtes polies par les vents,
Pressé par la douleur de l'attente,
J'imagine un retour qui me tente,
Cerné par le rouge baiser du couchant.
Sur cette terre qui m'a vu naître,
Paisiblement sur le sable je m'endormirai,
En écoutant le vent fredonner,
Per tu ploro Cataluñya.

 

*Moreneta : en catalan, signifie "la petite noire", ou "noiraude". C'est un diminutif affectif que l'on donne à la Vierge Noire de Montserrat, sainte patronne de la Catalogne.

 

vue de Barcelone depuis le Tibidabo


                                                                      *La Sardane
 
La sardane est à la Catalogne ce que le tango est à l'Argentine. Danse traditionnelle par excellence, elle est accompagnée par un ensemble instrumental appelé cobla (pour découvrir la cobla, cliquez sur le lien). http://youtu.be/sIU-ZXIXuFo
                               
La sardane se danse en cercle fermé. Hommes et femmes alternent en se donnant la main, la femme à droite de son partenaire.
http://youtu.be/OTYeW8KDo4s
 
Symbole d'union, de fraternité, affirmation de l'appartenance à une culture, la sardane est aussi un art de vivre, une philosophie.
Elle était interdite en Espagne
durant le franquisme, comme beaucoup d'expressions de l'identité catalane, mais beaucoup de Catalans par provocation, la dansaient tout de même, jusque devant la Cathédrale de Barcelone.

Le 5 septembre 1924
 le général Losada, gouverneur civil de Barcelone défend une circulaire l'interdisant dans les termes suivants : «Il est arrivé à la connaissance de ce gouvernement civil, de manière exempte de doute, que certains éléments ont transformé la sardane La Santa Espina en un hymne représentatif d'idées détestables, d'aspirations criminelles et que sa musique est écoutée avec le respect et la révérence dus aux hymnes nationaux. J'ai approuvé l'interdiction de jouer et de chanter la sardane mentionnée sur la voie publique, les salles de spectacle et dans les réunions champêtres, et j'ai prévenu les contrevenants qu'ils seront châtiés avec toute la rigueur nécessaire».

C'est une danse "mathématique", compliquée, dont les pas et les pointes sont rigoureusement comptés. Les pieds sont chaussés de vigatanes, la fameuse sandale catalane, souvent complétées par l'habit traditionnel lors des exhibitions dominicales.
 
La sardane prend son véritable essort grâce à l'impulsion des Catalans issus de la Retirada, le pénible et difficile exil imposé par la défaite des troupes républicaines pendant la Guerre d'Espagne. Éparpillés dans tous les départements des Pyrénées Orientales, les déracinés propagent cette danse aux rumeurs guerrières et aux tonalités nostalgiques dans tous les villages.
 
« La Santa Espina » composée par Enric Morera est l'hymne emblématique de la culture catalane (pour écouter la Santa Espina, cliquez sur le lien). http://youtu.be/G_I0RADo-sY


 

 

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mis en ligne le 27/08/2013

Quand je me sens abattu, je la joue impromptu. Je passe un tutu, et, sur un air de turlututu, je fais l'ambigu. Ainsi vêtu, on me prend souvent pour une petite vertu. Pourtant, je n'ai rien d'un pointu, encore moins d'un foutu têtu, juste un moustachu que les mots ont corrompu. Vous voyez le tableau. Je sais, quand j'ai un peu bu, je fais bourru. Pas facile pour faire l'actu. Mais je ne suis pas convaincu d'être une bonne recrue. Comme ça, point de déçus. Quand bien même, merci de m'avoir chez vous reçu, et, à moins que mon discours vous ait déplu, cliquez sur mon menu sans retenue. Au plaisir, et sans tutu. Ce n'était que pour la rime. N'allez pas vous imaginer...

 

Du mythe divin aux arts poétiques, tout est histoire de Muses. Que de leurs corps aériens vous ayez façonné un écritoire nous ravi et nous pousse, nous, simples mortels, à persévérer dans la recherche de l'âme sœur qui inspire et attire. En vers, en rime ou en calembours, je le déclame : écrire c'est peindre avec les mots, dussé-je le claironner au son de ma cornemuse. Je veux ma muse ! Et, si par hasard ma face camuse amuse, sachez que des bons mots j'use et j'abuse comme des coups d'arquebuse. Merci de m'ouvrir votre cambuse et de me recevoir, moi la triple buse. La mienne, veuillez m'en excuser, est comme une écluse, portes ouvertes au grand vent. Suivez l'onde, parfois diffuse, car à personne le passage je ne refuse. Au plaisir des lectures, des saines écritures, et qui sait, sur le bout de ma plume viendra peut-être s'assoupir une muse.

Des Chevaliers Cathares je garde des souvenirs d'idéaux rares, de combats barbares et de persécutions qui désemparent. Cela, c'était avant, quand les hommes se disaient frères par Dieu mais n'acceptaient pas que l'on pense autrement qu'eux. Est-ce que cela a vraiment changé ? Je me pose parfois la question. Du haut du Pog de Montségur, les paysages sont farouches et d'une sublime virginité. Le soleil se lève, s'infiltre entre les pierres millénaires, illumine les ruines pleines d'échos. Du Prat des Cramats monte le murmure des sacrifiés. Parfaites et Parfaits, ombres spectrales, âmes en errances, sillonnent encore les chemins, coupant à travers la rase végétation dans leurs robes de bure noire pour apporter la Bonne Parole. L'esprit cathare flotte dans l'air, et dans la fumée du passé persiste le chant des Bons Hommes qui, tels le Phénix, renaissent de leurs cendres. Mais je m'égare. Perdu au milieu de ces hectares, tel un ignare, je cherche la trace des faidits et avec eux l'histoire de leur épopée. Merci de baisser votre pont-levis et d'ouvrir la chaîne.

 

J'aime la confiture mais je préfère l'écriture et comme cela rime avec lecture, j'ai vu là une bonne conjoncture pour discuter, non pas législature mais plutôt littérature. Sans aucune désinvolture, moi qui suis friand de culture et autres saines nourritures, à en bouffer même en peinture, toute ma gratitude pour votre délicieux accueil. Merci, sans aucune fioriture et en espérant que cela dure, de me recevoir dans votre infrastructure et de me compter au rang de vos amis.

 

La journée commence mal, une crevaison. Je me dis, mince alors, voilà que le canasson est tombé sur un hérisson. Je serai en retard à la garnison et, à tous les coups, l'adjudant va me prendre pour un mollasson. Il ne me tardait qu'une chose, retrouver ma petite maison, frotter mes tatanes sur le paillasson, et, en sirotant une boisson me plonger dans un livre-maison. Un de ceux qui parlent moissons, qui nous entraînent dans les frondaisons, et pourquoi pas derrière un joli buisson pour les plus polissons. Merci, sans autre façon, de me mettre à votre diapason et de m'accueillir dans votre couvaison. Je ne suis pas un oison poison ni un ourson saucisson, juste un échanson qui de la rime et des mots, comme du bon vin, abuse avec déraison, et vous propose en gai pinson de survoler son nid à foison.


mis en ligne le 08/09/2013

Le matin, c'est plutôt ramdam. Je rame à contre courant. Généralement, ma moitié m'étame, parfois me blâme, souvent s'exclame. Moi, infâme, calame en porte-lame, j'évite le mélodrame en jouant le vidame. Pourtant, je ne suis pas un hippopotame, ni même me came. J'avoue que parfois je me pâme, et si, grand dieu, je brame, c'est que quelque part on m'affame. Mais aujourd'hui, avant que l'on me diffame, vers vous je clame : merci de me dévoiler votre belle âme. La mienne est en plein psychodrame. Les mots me réclament et sans arrêt je déclame. Un vrai tam-tam. Si cela vous dit, frappez à ma cabane. Pour cela, point de sésame, juste vos amis de wargame si l'aventure les tente.


 

Des critiques, les gens ne retiennent que les piques. En vérité entre lapidaires ou épistolaires, mon choix, vous l'aurez deviné, est vite fait ; je préfère tout ce qui se réfère au littéraire. Mais on ne peut pas toujours plaire, et, à moins d'être suicidaire, un avis réactionnaire est souvent salutaire. Je n'y suis point réfractaire et plutôt que de me taire, j'en profite, en tant qu'humble quinquagénaire, pour vous remercier de votre accueil. Ma galère n'a point de moustiquaire et n'est pas un sanctuaire. En vérité rien de spectaculaire, mais les mots y sont majoritaires voire rudimentaires. Bienvenue à bord, si vous êtes téméraire, même si cela n'est que temporaire.
 


 

Écrire ensemble c'est comme vivre ensemble. Les mots rassemblent, et que diable ! qui se ressemble s'assemble. Pas besoin de trotter l'amble pour faire partie du même ensemble. Une passion se partage, quel que soit l'âge. Parfois je tremble. L'écriture, cette drôle de mixture, est comme une drogue. Quand on y touche une fois, c'est comme une profession de foi. Alors, puisque vous me faites l'honneur de votre amitié, soyons sans pitié pour les pages blanches, communions et confortons notre union. Moi, de cet accueil, j'en tortille les hanches, je prépare mes planches. Dans ma cabane à mots, je reçois comme un marmot. Entrez ! Entrez ! Entrez sans façon, amenez des garçons, je me charge des glaçons. Quant aux filles, c'est comme les brindilles, plus il y en a, plus la lumière brille.
 


 

Je ne suis pas un esquimau, je n'ai même pas de jumeau. Mais avec les mots, je peux vous certifier que je suis un véritable gémeaux. Pour votre accueil, dans votre jardin, je bêcherai comme un girondin. Merci de me proposer vos plates-bandes. J'y planterai de la lavande, et, pourquoi pas, quelques amandes. Dans ma turne, je vous invite, surtout en diurne. Si le nocturne vous tente, pas de problèmes, je ne suis pas un taciturne. Vous trouverez quelques rimes en ré, mais surtout, malgré mon bagout, beaucoup de mots dans les cageots. Soulevez, bousculez, regardez. Ici vous êtes le bienvenu.
 


mis en ligne le 15/09/2013


 

Net ou pas net, une bibliothèque aussi nette donne envie de pousser la chansonnette. Je n'ai rien d'une catherinette, mais j'avoue que de temps à autre, un p'tit coup de clarinette derrière la cornette, et hop, en avant la trottinette. Merci de me prendre dans votre camionnette. Je ne vous conterai pas de sornettes. J'use souvent d'épithètes et, si par hasard, dînette vous tente, grelin grelin, appuyez sur ma sonnette et la bobinette cherra. Chez moi, pas de chaînette ni de devinettes, juste ma drôle de binette. Vous trouverez parfois des blondinettes, quelques brunettes mais point de baïonnettes. Merci de votre accueil, et pourquoi pas, au plaisir de vous lire sur le net.
 


mis en ligne le 21/10/2013



Il faut parfois de la rumeur quotidienne savoir s'extraire. Tendre le pouce pour visiter des horizons complémentaires est une option qui peut plaire. Las des commentaires parasitaires et des commanditaires contestataires, le monde littéraire offre des échappées extraordinaires. Heureux de vous surprendre sur ce chemin, ô combien populaire, où l'esprit égalitaire aime à se soustraire des contraintes régimentaires. Merci de m'ouvrir les portes de votre imaginaire et de m'y recevoir, non pas comme un adversaire, mais comme un ami exemplaire. Dans le secret de ma champignonnière, je me veux émissaire et non pas tortionnaire. Tout en évitant le vulgaire, les mots ne doivent rien taire car ils ouvrent à l'humanitaire. Venez tenter la cueillette. Ici rien de totalitaire, pas de milliardaires hautains ni de parlementaires faquins. Vous n'y trouverez qu'un admirateur de Voltaire, qu'une pâle lueur lunaire guide dans sa passion épistolaire. Bienvenue dans mon repaire.


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Réflexologie temporelle
mis en ligne le 16/09/2013
 

Le temps !
Quel drôle d'instrument.
On le gaspille enfant,
On voudrait qu'il passe adolescent,
Pour finalement le retenir avec les ans.
Le sable !
Déjà, dans le maillot, c'est pas la joie.
Des grains qui glissent entre les doigts,
S'égrenant avec effroi
Dans un passage trop étroit.
La pendule ! C'est bon pour les crédules
Qui spéculent pour des bidules.
Toujours courir comme des mules,
En se couvrant de ridicule.
Les ans qui s'effacent,
C'est comme une eau qui passe,
Coule sous les ponts avec audace,
Et sur la joue laisse une trace.
Le temps ! C'est une histoire,
Celle qui nous impose de croire
Que dans chaque instant dérisoire
Se cache la gloire d'une victoire.
Le miroir ! C'est un visage qui change,
Des rides sur le front qui dérangent,
Un regard fuyant sous une frange,
Des lèvres à la moue étrange.
Le temps est infâme, il se venge.
Les souvenirs dans la tête se mélangent.
Mais, dans tes yeux pleins d'étoiles,
Un simple reflet me dévoile
Qu'il faut savoir vivre avec son âge.
Le temps glisse sur ta peau,
Comme la rosée sur un roseau,
Et je me perds dans ton corsage,
Moi qui n'ai jamais été bien sage.
Le temps s'écrit peu à peu,
Main dans la main en amoureux.
Quelle importance si on est vieux
Tant que nos corps sont audacieux
Et que le chemin se fait à deux.
Après…
Nous verrons bien sous d'autres cieux.

 

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Horizons invisibles
mis en ligne le 15/10/2013

Le voyage paraît interminable
Comme une longue brume d'hiver.
Rien ne me retient plus dans cet univers
Où chaque arbre est une ombre qui m'accable.
Dans ces ruines pleines d'échos
D'un torrentiel langage et de maudits soupirs,
La nuit s'habille d'une obscurité sévère.
Le temps, porteur d'éternité, efface la lumière,
L'incomparable silence dévoile l'infiniment beau.
La poésie du souvenir à un goût d'amertume.
Métaphores et réalités se superposent,
Mes yeux caressent ton corps en silence,
Se perdent dans le spectacle enchanté d'un regard.
Une silhouette cambrée, un baiser délicieux,
M'emportent dans des désirs licencieux,
Danse sans musique qui me laisse hagard,
Ballet aux enfers où l'ennui se fait pervers.
Comme les ombres mourantes de la nuit,
Comme les feuilles mortes qui boivent la lumière du jour,
Ton image se teinte de brouillard.
Où est-il ton visage au teint de lune ?
Tes yeux miroirs aux longs cils d'odalisque
Couvrent ton regard d'un voile de tristesse.
Je t'enveloppe d'une douceur rugueuse et maladroite,
M'égare dans le capharnaüm précieux
Des mouvements de ton corps qui s'abandonne.
Après tant de nuitées torrides
À chercher ton doux refuge,
Je me découvre transfuge,
Prophète sans âme possédé par des fantasmes.
D'étreintes furtives en impossibles orgasmes,
L'inaltérable sortilège d'une énigmatique fissure
Me plonge dans une divine solitude,
Une pulsation cosmique où l'alchimie du verbe
Enlace les chuchotements de l'univers.
J'ai pénétré l'âme du monde,
L'origine de toutes choses.
Je suis enfin au bout du chemin,
Là où le fini de l'homme
Se mêle à l'infini du monde. 

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mis en ligne le 09/12/2013

 

Heretical prayer


J'imagine parfois un lieu d'architecture,
Un espace géométrique à l'exquise structure,
Petite parcelle d'éternité couleur pastel,
Pas tout à fait terre, pas encore ciel.
 
Me suffirait un oasis dans les déserts de l'espace,
Un mirage nimbé de pulvérulentes étoiles,
Un drôle de lopin galactique où tendre ma toile.
Enfin me dépouiller de ma carapace.
 
Le souffle de la nuit me plonge dans une étrange apathie.
Le voile opaque des mots, sans aucune sympathie,
Ouvre une silencieuse blessure,
L'impérieux besoin de combler une fissure.
 
Je ne veux rien, seulement un corps,
Une anatomique vision à frôler de mes mains,
De mes doigts croquer l'émouvante courbe d'un sein,
Graver le sceau de mes lèvres sur la chute d'un rein.
 
Je voudrais tant caresser une belle âme,
Toucher ses ailes sans peur de les embraser,
Moi, l'Ange déchu que tous blâment,
Prophète hérétique pour avoir osé un regard
Sur ce visage séraphique avec si peu d'égard.
 
Je voudrais combattre sur un champ de bataille
Où, vainqueur, je me pendrai à sa taille,
Planter une prairie verte sur une terre déserte
Comme un écrin de poésie pour sa frêle silhouette.
 
Je convoite une peau gorgée de soleil,
Un voile d'ébène en cascade sur des épaules nues,
Ravir le parfum d'une rose au vermeil sans pareil,
Par un subtil sortilège souffrir le martyr des épines,
Et m'éteindre sur un ardent adagio à mâtines. 
 
Je désirerais percer le secret d'Acanthe,
M'égarer dans le mystère d'une toison chatoyante,
Noyer ma brûlante solitude en une ondée de désir,
Me laisser porter par le plaisir et doucement partir.
 
Donnez-moi une plaine de sel scintillante
Où jamais ma soif ne sera étanchée.
Laissez-moi sur ce corps m'attacher
Et pour tout salaire subir une mort humiliante.
 
Je ne veux rien, juste me fondre dans la moiteur d'un calice,
Boire son nectar, suave ambroisie, breuvage d'amour,
Pénétrer le sanctuaire de sa bouche sans atours
Et, à genoux, vénérer le temple aux mille délices. 
 
Plus de mortels en mon domaine,
Enfin fermer ces ailes qui m'enchaînent,
Briser ma fourche sur ces races solitaires,
Et tous les peuples de l'Enfer faire taire.
 
Toutes les âmes pour respirer son corps,
Mes flammes pour la parer de fils d'or.
Dans ses yeux mille volcans en éruption,
Dans les miens, une voluptueuse dévotion
Qu'inspirent mes impures pensées.
 
Et si sous mes ailes nous nous consumons,
De nos cendres fumantes nous renaîtrons,
Elle, rose martyrisée, en Shéhérazade,
Moi, despote inique, cherchant croisade.
 
Je ne veux rien d'autre que toi.
Que ta foi soit ma loi,
Que ma tyrannie me soit funèbre.
Et que ta Lumière chasse mes ténèbres.
 
Ô ! Toi Tout Puissant que j'ai défié
Moi qui sur ton piédestal t'ai stupéfié,
Au point de me précipiter dans l'abîme,
Jette-moi sans remords la première pierre
Mais de grâce exhausse cette hérétique prière.
 
 
Juan Bernabeu - 07 décembre 2013 - Tous droits réservés

 

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À tire d'Elle
mis en ligne le 03/02/2014

Pauvre petite fée en rupture,
De séduire on t'a accusé.
                       Sur tes ailes en papier froissé                       
Je lis tes ratures.
 
Dans ta robe couleur pudeur,
Je te voudrais immortelle,
Fragile hirondelle,
Déesse au grand cœur.
 
Dans ton ciel, des nuages,
Pas de marchand de sable,
Juste un Morphée incapable,
Et des envies de voyages.
 
Dans ma tête ton visage,
Un regard parfois triste,
Tes mots humanistes,
Mes pensées sans partage.
 
Tu dérobes tes yeux,
Écrins de velours noir,
Qui ont su émouvoir.
Ignore les envieux.
 
La Lumière te dévoile,
Silhouette sans voile,
Toi, dans ta prison recluse,
Moi, poète pierrot sans muse.
 

Juan Bernabeu  - 30 janvier 2014 - Tous droits réservés
 

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mis en ligne le 11/03/2014

          Le SANG ! La MORT !
         Dans ma culture un rituel millénaire codifie ce terrible et excitant exutoire : c'est la corrida. Spectacle ô combien sauvage et cruel par son dénouement, sublime et aérien par la grâce corporelle de cette poupée ballerine qui défie inconsciemment la mort. Le Sang et la Mort ! Les hommes en ont besoin pour extérioriser leurs haines. Comment ne pas se reconnaître dans cet être de lumière, engoncé dans son habit multicolore, mi-homme mi-femme, qui virevolte sous la contrainte d'une chorégraphie millimétrée, compliquée et mortelle.
       Là ! Dans l'arène en forme de cercle, symbole de l'espace clos où, en son centre, le maître initié risque de perdre la vie s'il n'est pas attentif, s'entremêlent et se déchaînent les forces de l'univers. La vie et la mort s'affrontent dans un combat sans pitié, le regard tourné vers la lumière, l'âme aux portes des ténèbres. Le sang du vaincu abreuvera la terre nourricière, pénètrera les limbes, imbibera la graine en putréfaction et la préparera pour la résurrection. C'est le cycle immuable des saisons, de la vie. La mort régénère la vie. Le sang du vaincu, répandu sur le sable de l'arène en holocauste, en est le prix inévitable à payer.
         La corrida ! Spectacle axé sur le culte de la mort. "El Toro" représentation allégorique du dictateur qui asservit son peuple. "El Torero", luttant pour sa liberté, être à la sexualité incertaine, tellement efféminé avec sa "coleta", petit chignon qui protègera sa nuque en cas de chute arrière, indécemment moulé dans son étoffe soyeuse mais tellement phallique et puissant quand d'un simple coup de poignet il tranchera net la vie et soumettra à son bon vouloir la force sauvage, la charge farouche qui menace la liberté d'un peuple.
          La corrida représente un monde qui puise sa force dans l'absence du bien et du mal. Aucune notion de dualité n'anime les protagonistes de cette tragédie. Ils sont là, face à face, tout simplement. Ils ne sont pas vraiment ennemis. Aucune haine ne les anime vraiment mais quand leurs regards se croisent pour la première fois, ils savent pertinemment que pour que l'un vive, il est nécessaire que l'autre meure. Ainsi l'équilibre et l'harmonie qui régissent les règles de l'univers ne seront pas rompues. Il faut donc pour achever ce ballet macabre que les forces en présence se respectent et que le vainqueur de la joute reconnaisse la valeur de celui qu'il affronte en lui offrant une mort digne.
          Et moi dans l'histoire ? Allez-vous percer le secret de ma pensée et deviner quelle est ma position concernant la tauromachie ? La réponse est dans le texte qui suit et que je considère comme une ode à la … Le titre, Sol y sombra… Ombre et Lumière.

 

Sol y sombra

 
La porte s'ouvre sur le silence de mon ultime nuit.
Odieuse, la lumière pénètre mon antre,
Trace un sillon sanglant jusqu'en son centre,
Et d'un zèle morbide au cœur de l'arène me poursuit.
 
Des gradins une sourde rumeur s'élance
Comme l'être androgyne qui vers moi s'avance,
Sanglé dans son habit de couleurs,
Auréolé d'un tragique code d'honneur.
 
Misérable fétu de paille, dérisoire marionnette
Perdue dans sa danse de séduction
Tel un musicien penché sur sa partition.
Autour de moi je fais place nette.
 
Ma charge farouche la haine déchaîne.
Grâce du corps et beauté du geste m'envoûtent.
Je suis pourtant saisi d'un horrible doute
Alors que les passes s'enchaînent.
 
Quel est donc cet audacieux pantin
Qui invite la mort à sa table,
De coups d'épée m'accable
Et d'un seul pas esquive son destin ?
 
Dans un ballet d'écume et de sang
Je me plie à cette barbarie antique.
La vie sur mes flancs coule et mon corps quitte.
Genoux à terre mon déclin j'attends.
 
Que je hais ton regard de vainqueur
Jeté avec mépris sur mon déshonneur.
Ce soir, torero, pleure sur ton malheur
Car de ma corne je perce ton cœur.
 
La porte se referme sur le silence des tiens.
Les ténèbres recouvrent mon antre,
T'entraînent jusqu'en leur centre.
J'ai gagné le droit de rejoindre les miens.
 
 
 
Juan Bernabeu - 29 février 2014 - Tous droits réservés

 

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Le silence désarme
mis en ligne le 02/06/2014

 
Nous étions de turbulents ados,
Nos vieux toujours sur le dos.
Du haut de nos seize ans
Nous voulions être déjà grands.
 
Portés par nos certitudes,
L'esprit pétri de turpitudes,
Nous cherchions aventure
Sans craindre blessures.
 
Nous étions de sales ados,
La bouche pourrie d'argot,
Le corps quêtant victoires
Pour d'éphémères gloires.
 
Des bancs de l'école
Aux ponts d'Arcole,
Peu de temps en somme
Pour devenir des hommes.
 
Sur nos visages décharnés
Nous portions notre âge
Comme un dérisoire bagage
Que mort efface, acharnée.
 
Des rues de notre enfance
Nous restaient peu de nuances,
Souvenirs de nos quinze ans
Fauchés en lointains champs.
 
Sur nos trognes d'affreux mômes
Suant la haine et le mépris,
Rides et balafres étaient le prix
Pour sauver nos pommes.
 
Nous étions de foutus potos
Roulant nos premiers vingt ans
Dans le linceul du temps
Qui emportait tous nos maux.
 
Nous étions de sacrés chenapans,
Putains de mômes aux yeux fiévreux
Sifflotant les chants belliqueux
Qui ont bercé nos jeunes ans.
 
Nous portions sur nos gueules d'anges
Le lourd fardeau de nos âmes étranges.
Et sur nos lèvres de conquistadors   
Le goût fade du baiser de la mort.
 
 
In mémoriam
  
Juan Bernabeu - 15 mars 2014 - Tous droits réservés

 

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Éveil
mis en ligne le 12/06/2014

 

       Je creuse la terre pour écouter palpiter son cœur. La nuit, sans pudeur, lève le voile de son âme noire. Le fleuve coule immuablement sa sève sur le sillon des berges alanguies. Le ciel roule ses vagues cotonneuses alors que mon regard plonge dans le mystère de l'Ô. Mes yeux cherchent en corps l'image d'un visage dans la profondeur du flot. Le reflet du soleil sur le miroir d'eau esquisse un pas de tango.
     L'univers m'enveloppe, dessine des horizons invisibles. Le temps et l'espace se confondent dans un moment d'éternité. J'ai envie de crier "bonjour le monde". Mes mots s'arrêtent dans ma gorge, effleurent mes lèvres fébriles. Je reste muet face au spectacle de la nature qui s'éveille.
     Mes mains tremblent, glissent maladroitement sur ses courbes offertes, caressent ses fruits gorgés de lait et de miel, s'égarent sur sa toison humide de rosée. La peau dorée du fleuve frémit à mes caresses perverses. Dans ma tête, Mozart l'Égyptien égrène noires et blanches. Silences et pauses sont ma respiration. Rose des sables pour moi danse dans un festin de thé à la menthe. 

Juan Bernabeu - 15 mai 2014 - Tous droits réservés

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Je de Lumière
mis en ligne le 03/08/2014



Mon petit palais mauresque
Aux sensuelles arabesques 
S'enveloppe de Lumière 
Quand le jour s'altère.

Sur ses rayons de miel
Je marche en soleil
Cherchant dans la nuit
L'Étoile qui luit. 

Mon petit palais mauresque
Joli comme une fresque
Brille de mille feux 
Espérant tes c'yeux.

Sur ce fleuve d'Ô
Suave comme caresse
Mon corps en paresse 
Plonge dans ton flot. 

Déjà l'aube pressée
Nous bouscule presque.
Petit palais mauresque
Sous draps de soie disparaît.

Juan Bernabeu - 2 août 2014 - tous droits réservés.




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mis en ligne le 30/10/2014

 

Un des premiers gestes de la journée, au saut du lit, consiste à se contempler dans son miroir. Qui ne possède pas cet objet hautement usuel, assez pratique au demeurant pour occulter les petites imperfections d'une nuit agitée, et ainsi se rendre présentable aux yeux des autres ?
Le paraître est le propre de l'être humain. Il nous habille de vanité et embellit notre ego. Commode pour se dissimuler. Derrière cette utilité de façade, ami miroir n'en recèle pas moins une symbolique qui en dit long sur son action occulte qui, avouons-le, parfois nous échappe. Car, comme on pouvait s'y attendre, il y a eu assez de gens tordus pour aller voir ce qui se tramait de l'autre côté.
Le miroir n'a de sens que pour celui qui y pose le regard. Docilement, en bel objet apprivoisé, il renvoie l'image que chacun de nous désire voir. Déjà, sans y prendre garde, cette réflection spéculaire est fausse ; puisqu'en vérité, je vous le dit, elle n'estque notre reflet inversé, un genre de virtualité qui déplace notre gauche à droite, et vice-versa, et transpose tout ce qui se trouve dans son champ de vision. Car le miroir nous regarde. Il a l'œil sur nous. Et quel œil mes aïeux ! Il est une porte béante qui ouvre sur le mystère des âmes. L'image qu'il reflète, sans le moindre scrupule et la plus petite compassion, cache souvent l'ésotérisme (à ne pas confondre avec l'érotisme, hihihiii !) de la personnalité des êtres. Tout n'est qu'illusion d'optique.
Alors ! Que cherche donc à nous dire de si important monsieur miroir quand, dès l'aube, il nous fixe de son œil scrutateur avec une morbide insistance qui frise la provocation ? Quelle juste définition donner au mot réflexion ? Est-ce seulement la direction d'une onde quelconque provoquée par la présence d'un obstacle (notre image renvoyée par le miroir) ou simplement une incitation à réfléchir plus profondément à quelque chose ? En ce qui me concerne, j'ai ma petite idée. Je vous laisse vous faire la vôtre.
Allez ! Sur ce, je vous laisse. Mon petit miroir magique m'attend pour ma petite séance hebdomadaire de maquillage.


 

Miroir ! Miroir !


Toujours ce besoin de te nimber de Lumière,
Cet impérieux désir de te poudrer d'artifices.
Pour envelopper tes proies d'exquis maléfices
Tu en oublies notre complicité coutumière.

Tu me plonges en de troublantes émotions,
Cherchant dans le reflet trompeur du miroit
L'illusion de plaire en abusant de ton savoir.
Cruel dilemne te voir prendre une telle option.

Sur ton corps tendu de soie et de dentelles
J'ai glissé mes doigts sans la moindre gêne,
Brisant dans l'alcôve de ton corps, sans peine,
Tes angéliques soubresauts de demoiselle.

Et pourtant ! En ce calice improvisé,
Où je me suis enivré de ton opium,
Mon désir, jusqu'à la lie de ton parfum,
A trouvé repos dans secret de ta rosée.

Dans l'étreinte absolue de nos corps embrasés,
Tant de belles promesses nous ont rassasiés
Que nos âmes de caresses encor' étourdies
En sont à jamais restées abasourdies.

Sur la soie de tes bas, comme une seconde peau,
J'ai posé le velours passionné de mes baisers,
Toi ! Dans la moiteur de ton désir érotisé
Tu as accepté la fragilité de mes mots.

Dans le teint chiffonné de ma mémoire,
Le profil de ton visage rose des sables
Se dessine tel le plus saint des rétables
Au plus profond de mon âme noire.

Juan Bernabeu - 27 Août 2014 - Tous droits réservés



 

 
 
 

 










 

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