Biographie 
non exhaustive
d'un obsédé textuel

 
 


Je suis arrivé sur cette terre le jeudi 6 juin 1958 à 1h05 heure d'été. Comme point d'atterrissage, j'ai porté mon dévolu sur la province de Catalogne et plus précisément  la belle ville de Barcelone. Climat tempéré, soleil à gogo, mer Méditerranée à un jet de pierre, nanas sur la plage à vous ébouriffer les yeux, succulente gastronomie. Mais aussi un patrimoine architectural exceptionnel qui se confond avec l'histoire des hommes. Des hommes oubliés d'un passé brillant et lumineux, mais d'autres aussi plus connus comme ces maîtres d'oeuvres inspirés, architectes visionnaires dont les noms sont passés à la postérité, Puig, Raspall, Valeri, et certainement le plus fameux d'entre eux, universellement adulé, Antoni Gaudi et sa Sagrada Familia, haut lieu de spiritualité qui a marqué des générations de Barcelonnais.  Cet immense vaisseau céleste aux fines ciselures de pierre, véritables dentelles minérales est toujours, 130 ans après le début des travaux, en perpétuel chantier. Temple démesuré à la gloire de la divinité, pointant ses flèches de pierre vers l'inaccessible, chacun peut en interpréter la symbolique à sa façon, suivant sa culture, à la lumière de ses propres croyances. Moi qui me dit athée, opposé à tout dogme et à toute vérité révélée, ennemi avéré de toute religion ou philosophie qui asservie l'homme et enchaîne la pensée, j'éprouve dans la contemplation de ce rêve de pierre inachevé, arrogante tour de Babel des temps modernes, une véritable fascination. Bref, une préfiguration de l'Eden sur terre pour tous ceux qui ont la foi et les yeux tournés vers le ciel. Personnellement, je n'ai pas fait la chochotte. À trop rechigner, j'aurai pu être moins chanceux et me retrouver au Sahel ou Dieu sait où. Comme maman, j'ai choisi Rosario, parce que je la trouvais belle avec ses longs cheveux ondulés couleur de jais et sa peau teint de pêche. Pour papa, je n'ai pas eu le choix ; étant marié avec la maman que j'avais judicieusement sélectionnée, il a fallu que je fasse avec. Le temps passant, je n'ai pas eu trop à m'en plaindre. Peut-être un peu à l'époque de l'adolescence, mais trois fois rien, des broutilles. Quel est l'ado qui n'a pas connu ça ? Ce jour là, en Catalogne, c'était le jour du Corpus Christi. Vous devez bien savoir que l'Espagne de tout temps, et la franquiste en particulier, était viscéralement attachée à la religion catholique (il est important de le préciser), comme un coq à ses poules. Donc, paraît-il, les enfants nés en ce jour béni étaient censés posséder et développer un don surnaturel venu du ciel. À ce que j'ai pu en savoir plus tard, moi, dès le départ j'ai eu le don de faire crier et pleurer ma pauvre maman dès les premières secondes de mon existence. Je n'étais pas encore sorti du ventre maternel, à peine m'étais-je présenté aux écoutilles que j'eu affaire à sa voix de diva. Plus tard, mamie Marie (je ne t'oublie pas ma mamie chérie) m'a dit que Rosario chantait très bien le flamenco. Mais comme l'a si bien chanté Bruel des décennies plus tard : petit Juanito casser la voix à maman.

En mai 1963, la bonne idée vint à mes parents de venir en France tenter l'aventure démocratique. Déjà les conditions de vie étaient meilleures. Pas de dictateur au pays des Droits de l'Homme, pas de Garde Civil, pas de répression, et surtout une sublime devise : Liberté-Egalité-Fraternité. Pour le reste, il fallait faire comme beaucoup de français de l'époque : travailler beaucoup pour gagner peu et se serrer la ceinture. Mais nous étions légitimes propriétaires de nos pensées, pouvions les exprimer (pas trop fort tout de même), et, comme le disait le regretté Fernand Reynaud : HEUREUX. Contrairement à l'Espagne où il fallait ouvrir le porte-monnaie pour aller à l'école (fallait-il être maso), au Pays de Voltaire l'instruction était gratuite. il y avait la sécurité sociale, qui commençait à creuser son trou, et pas mal de boulot pour ceux qui n'avaient pas froid aux yeux ou un poil dans la main. Un jour, alors que je m'employais à mon passe temps favori, je bullais, est passée la Grande Sauterelle. C'était la directrice de l'école, une cliente de ma grande tatie chez qui nous avions posé nos valises à notre arrivée en terre promise. Elle m'a tendu sa main rose et potelée, garnie de bagues, en me susurrant d'un air mesquin que les enfants prennent pour de l'amitié : " Tu viens avec moi ? ". Et moi, naïf et confiant ne pipant mot à la langue de ma terre d'accueil, croyant avoir affaire à une personne responsable et sérieuse, je me suis laissé entraîner dans ce monde inconnu qu'était l'école. J'avais cinq ans et pas toutes mes dents encore. Deux mois après ce traitement de faveur (mat sup d'entrée. Grande maternelle il s'entend) mes parents ne comprenaient plus un traître mot de ce que je leur racontais. En ces temps troubles et incertains où les jeunes esprits sont en formation, je n'avais pas l'esprit assez pervers pour profiter de la situation.
Puis vint le cortège des calamités et de ses vicissitudes : primaire, collège, et là, déclic, je me rebelle. C'est là que j'ai fait mes premières armes de futur auteur. J'ai appris les subtilités du langage et ses secrets les plus retors : gros mots, argot, verlan et l'endroit. Comme il m'arrivait de ne pas faire mes devoirs, je pompais sur les copains, voire sur les livres pour les rédactions. Gonflé le gars, hein ? Bref ! Comme vous pouvez le constater, j'étais tout ce que vous voudrez sauf un modèle de vertu. Alors mon papa à moi que j'ai pas choisi (voir plus haut) m'a laissé le choix : boulot ou... armée. Pfff...! Même pas cap que je lui ai dit au pater. Je suis un homme, moi, un vrai, pas encore tatoué, ça viendra plus tard (j'ai seize ans et presque toutes mes dents. Oui je sais j'ai un peu de retard, j'ai loupé quelques marches dans mon parcours. Mes maîtres disaient toujours que je pouvais faire mieux. Je ne les ai pas pris au mot). Alors je suis parti quelques mois tenter l'aventure. Qui a mal tournée d'ailleurs (l'aventure). Ne connaissant pas le mot discipline et ses applications perverses, je ne m'y suis pas fait. J'ai du me séparer de l'alcoolique, je veux dire l'adjudant, pour cause d'incompatibilité d'humeur. Mais je reviendrais un peu plus tard dans cette belle et grande famille qui sentait la poudre, qui prêchait la fraternité et qui aimait pratiquer les troisièmes mi-temps conviviales. Et là, ça c'est très bien passé. Je m'entendais bien avec l'alcoolo. On était pays, ce qui ne gâchait rien. J'avais un peu plus de plomb dans la tête et un peu dans mes dents aussi, il faut le préciser. Donc en attendant cet intermède viril, retour case départ, direction un garage de banlieue que mon papa s'est vite empressé de me trouver pour que je ne finisse pas oisif comme pas mal de mes copains de l'époque. Lui, mon papa, préférait que je sois actif. Il avait raison. Cela m'a permis d'avoir une approche et une bonne expérience de la vie adulte. J'avais à mon actif, à cette époque, deux ou trois petites nouvelles, quelques poèmes, un journal que j'oubliais régulièrement de mettre à jour. Et... j'adorais la Grande Musique. C'est toujours d'actualité. Je suis un mélomane et m'émeus facilement en écoutant une grande voix ou un concerto. Et plus que tout, j'aimais lire. C'était plus qu'une passion, une seconde nature. J'ingurgitais tout ce qui se présentait, de la BD à la revue coquine en passant par les grands classiques. Quand je n'avais plus rien à me mettre sous la dent, je lisais le dico. Fallait-il être marteau. Aujourd'hui, c'est pareil. Si je ne lis pas quelques pages dans la journée, je ne suis pas bien.

Niveau étude, ça rase les pâquerettes. Pour me définir, je crois que l'on appelle ça : autodidacte. De plus j'ai préféré jouer au petit soldat. Ce serait un euphémisme de dire que je me suis fait tout seul. On a toujours besoin de quelqu'un pour se faire. Moi, déjà au départ, il m'a fallu l'aide de papa et maman. Il faut dire aussi que j'ai eu de bons maîtres, de bons anges gardiens qui ont veillé sur ma petite tête brune et frisée. Je repense souvent à eux avec émotion. Leur souvenir ne me quitte jamais. Ils sont une douce et exaltante Lumière qui brille dans la pénombre de mon passé.  Mon prof d'histoire, Monsieur G., qui n'est plus là aujourd'hui, m'a donné la passion immodérée de cette inépuisable matière qui rebute tant d'esprits, du respect des autres et de moi-même. Il m'a ouvert à des horizons nouveaux que mes yeux de jeune rebelle n'avaient pas entrevus. Madame R., prof de math ô combien pédagogue et charismatique qui en quelques mois et avec une patience infinie, a réussi à m'initier au secret des symboles mathématiques et aux théorèmes de Pythagore et de Thalès. Je lui dois la réussite du concours d'entrée à l'Ecole Navale, où les maths avaient le plus gros coefficient. Tous les autres profs avaient échoué dans cette délicate entreprise de la transmission du savoir. Madame F., ma prof d'espagnol dont j'étais un des favoris, madame D., prof de français, où êtes-vous aujourd'hui ? Vous qui tentiez, avec une prévenance qui frisait l'inconscience, de m'inculquer les rudiments de cette langue morte qu'est le latin. Et tant d'autre... J'ai été un piètre élève, indiscipliné, dissipé, fomenteur de troubles, je l'avoue. Mais loin de m'en douter à l'époque, vous aviez semé en moi une indicible envie de découvertes et le goût jamais assouvi d'aller au-delà des choses. C'est venu progressivement mais c'est venu. Ha ! Si ! J'allais oublier. J'ai failli avoir le bac, mais même là, je suis arrivé en retard à l'embarquement et je l'ai raté. Donc, après un CAP de mécanique que j'ai eu sans grandes difficultés (je travaillais quand même bien à l'école, pendant mes moments de lucidité), et quelques années de pratique, je monte ma propre boîte. Dix ans plus tard et quelques cheveux blancs en plus (là par contre j'avais toutes mes dents), l'envie me prend de changer radicalement de vie. Je vends le garage, pas d'indemnités chômage, je n'y ai pas droit. C'est Joe, ma femme qui est contente. Parce que je ne vous l'ai pas dit, entre temps je me suis marié et j'ai eu deux adorables fillettes : Jessica et Julie. Je galère quelques mois, je travaille dans la sécurité, la nuit, je donne un coup de main au garage d'un copain, le jour. Je dors quand je peux. Bref, à bientôt quarante ans je mène une vie de patachon et de bohême. En 1999, Francis mon copain de collège, qui entre temps est devenu mon voisin, m'incite à passer le concours d'entrée à la DDE. Bingo, jack-pot, baraka, coup de bol ? Le 14 juin 1999,  je suis fonctionnaire. Je le suis encore à ce jour. Mais dans ce laps de temps entre hier et aujourd'hui, j'ai connu des tas de choses, essayé, expérimenté, connu des succès et des échecs, rencontré des minables, des voyous, des chiens de guerre et des chiens tout court, des gens fabuleux qui ont jalonné mon parcours de vie. Une vie secrète, foisonnante et bouillonnante, mais chut ! domaine privé, cela ça m'appartient, c'est ma part d'ombre. Je ne partage pas. Cric-crac, fermé à double tour. Et j'ai beaucoup écrit. Souvent pour ne rien dire ou pas grand chose. C'est ainsi que de fil en aiguille est né "Secrets Fraternels", mon premier roman, et j'espère qu'il ne sera pas le dernier. D'ailleurs le prochain est en cours d'écriture. Si tout va bien je devrais pouvoir vous en parler en fin d'année. Il faut juste que j'arrive à coordonner vie familiale, vie professionnelle et écriture. Pas facile quand je me rends compte qu'il m'a fallu presque trois ans pour ce premier roman. Ce n'est pas grand chose mais je suis heureux que ce projet d'écriture ait abouti. Cela me motive pour continuer. À moins que l'on me dise ou que l'on me fasse comprendre que je me trompe de chemin. Dans quel cas j'aviserai. Je me recyclerai. Peut-être les maquettes en allumettes, je ne sais pas trop encore. Mais dans l'immédiat ce n'est pas le cas. Alors je vais peut-être continuer un petit peu encore. 
Allez, c'est fini. Je vous en ai fait assez baver à vous aussi. Vous pouvez tourner la page en cliquant sur le menu, si vous n'êtes pas trop découragé.
 


 

 

 

 
 



Créer un site
Créer un site